Dans le cadre de la préparation de la 6e édition du Festival Femmixité tournée vers "le monde d'après" Laura Dallo, fondatrice du festival, s'élance dans son désir de nature et en même temps vaincre ses résistances : elle accomplit sa première rando en solo.
En prélude de l'échange "émancipation par le voyage" avec les randonneuses Axelle Marnat et Jeanne Fauquenot qui aura lieu le 26 novembre au Centre Victoire Tinayre,
voici un récit intime et personnel en quatre temps dans lequel Laura partage avec nous son expérience, son vécu, les émotions ressenties et les magnifiques paysages traversés.
"Au début du mois de septembre, je suis partie faire une randonnée de 4 jours en solitaire sur le GR34 en Bretagne, chose que je ne pensais pas réalisable il y un an. Je voyage seule généralement, ça me fait du bien : apprendre à apprécier sa propre compagnie, aller à la rencontre des gens. Mais voilà c’est généralement dans des villes ou des villages, il y a toujours du monde autour de moi. Mais la randonnée…C’est autre chose…Du moins c’est ce que je pensais jusqu’à ce que je me décide.
En mars 2022, je vais à un salon du tourisme et je rencontre deux randonneuses qui parlent de leurs expériences et de leur désir de faire bouger les lignes. Si elles sont capables de le faire, moi aussi. La peur est totalement légitime mais c’est en faisant que l’on s’aperçoit que ce n’est pas si insurmontable mais surtout que l’on regagne un espace qui est censé être commun.
Je suis donc partie le mardi 6 septembre direction Morlaix. Arrivée à 16h, deux choix s’offrent à moi pour aller à St Pol de Léon. Je prends le car jusqu’à St Pol de Léon ou je commence la rando. Je veux bien faire bouger les lignes, apprendre à gérer la peur mais faire de la rando en tant que femme seule lorsque la nuit est prête à tomber, non. C’est un coup à être encore sur le chemin à 19h. J’opte donc pour la première option, ce qui me permet d’arriver à St Pol de Léon à 17h et de prendre le temps de visiter la ville, un petit peu sous la pluie quand même. Je teste ce restaurant qui propose également des objets de brocante et dont la lumière des toilettes est similaire à celles des boîtes de nuit. Je m’apprêtais à exécuter mes meilleurs pas de danse lorsque je m’aperçus d’un détail fâcheux : pas de lavabo. Scandaaaale. Mais en fait si on est un peu plus attentif. Il y en a un. Juste au-dessus de la chasse-d ’eau.
JOUR 1
Mercredi 7 septembre : le grand jour est arrivé !
Je prévois d’être sur le chemin du GR à 08h…Je suis sur le départ à 09h30. Le but est de rejoindre Mogueriec. St Pol à Mogueriec ça fait 30 km. « Ca vaaaa, c’est faisââââble » pense la débutante de la randonnée. Pour l’instant tout va bien, je suis contente, je vois de jolis paysages, il fait beau…ho une goutte, deux gouttes popopo il pleut à côté de Roscoff.
Aller c’est le moment de mettre son poncho et d’avoir une drôle de dégaine. La seule pause de la journée que je prendrais est justement à Roscoff où je teste la galette salée aux poireaux, très bonne. Ce sera ma seule véritable pause de la journée et je vous déconseille de faire comme moi. A 15h45, je me dis qu’il serait temps de couper un peu le GR sinon je n’arriverai jamais à destination et puis la batterie du téléphone commence à faiblir et elle n’est pas la seule. Vers 17h15 je vois le panneau vers Sibiril et je me dis que Mogueriec n'est plus très loin...LOL...17H17, l’instant est grave : plus de batterie ! Je reprends donc le chemin du sentier pour avoir un minimum d’indications. Mais je vois indiquant Mogueriec.
Tout va bien je suis là bas dans 30 minutes. Il doit être 18h, toujours pas de Mogueriec à l'horizon. Et à ce moment-là je me dis que je finirai cette journée à dormir dehors sans manger et que si ça se trouve Mogueriec n'existe même pas (meuf...c'est inscrit sur la carte...). Ou que je l'ai loupé et que je peux même pas le savoir vu que j'ai même plus de batterie Alors que j’étais proche du nervous breakdown de Karin Viard dans Les Randonneurs et que moi aussi je me demandais pourquoi je n’avais pas choisi des vacances en club méditerranée, je croise par un heureux hasard un couple qui m’a dit « Mais on retourne à Mogueriec ! Venez avec nous ! » La dernière partie de cette journée se fera avec eux mais un mal de dos, avec des jambes qui flageolent et une grande impatience. Oui parce que Mogueriec ne veut toujours pas se montrer.
Tant pis je dormirai au milieu des arbres mais pas toute seule, c’est déjà une bonne nouvelle. 18h50 à peu près: ON VOIT MOGUERIEC. Et c'est toute tremblotante que j'arrive à 19h à l'hôtel de La Marine. Comment j'ai fait pour parcourir cette journée ?
L'inconscience. Alors oui je n'arrive plus à tenir littéralement debout mais je sais que c'est le début d'une belle "aventure". Voir des paysages et des endroits que l'on ne pense pas forcément accessible sans moyen de transport, prendre son propre temps et surtout qu'est ce qu'on est fier.e de soi d'être allé.e jusqu'au bout du processus malgré les difficultés. Croire en ses capacités. Toujours".
Laura Dallo
ci-dessous, le GR34 de St Pol à Mogueriec :
© Collection personnelle
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